C'est à New York, dans les années 70, que j'ai commencé de photographier des êtres humains naufragés sur l'asphalte, des maisons incendiées, des ghettos interdits. A New York, à Mexico, à Tel Aviv. Puis, peu à peu, à Paris.
En parallèle, mais non sans rapport, j'ai questionné les traces de ma mémoire. La trace est la marque de l'absence. Le chercheur de traces traque ce qui ne s'y voit pas...
Dans "Un monde disparaît", j’évoquais la mémoire d’une ville, son passé de houillères, un lien social et syndical en déliquescence, l’immédiat après-guerre, les terrils où jouent encore des enfants. Les ruines des charbonnages, les bouleaux et les acacias témoignent encore, pour peu de temps sans doute, de la mémoire des lieux.
Puis : "Si je t’oublie". Les restes des camps. L’absence et le silence. Mon rapport au monde. Mais aussi, l’instrumentalisation du passé, les lieux de mémoire se substituant à la mémoire des lieux.
"De guerre en guerre", le dernier volet du triptyque, ce sont les souvenirs, les récits que m’ont transmis les miens, ces hommes de guerre. Moi qui hais la guerre, la marche au pas, le bruit des armes. Dans la boucherie des Flandres, de la Somme, de Verdun, le mépris de la vie humaine, qui pave la route aux camps de la mort.
Aujourd'hui, dans l'exposition "Evicted", dans ces clichés pris à Paris, à Prague, à New York, je reviens à l'humain, dans son corps, son espace, ses empreintes. C'est une leçon de ténèbres à l’orée d’un siècle dont les auspices sont terrifiants.
Les photographies parlent. Il ne suffit pas de les regarder, il faut aussi les écouter, entendre leur silence, leurs cris, leurs chuchotements. Ce qu'elles disent du monde, de notre Société... et ce qu'elles disent aussi du photographe.
Les photographies ont été prises à l'aide d'un boîtier Hasselblad 503 CW et de ses objectifs 60 et 100 mm ou d'un Leica M 6 muni d'un 50 mm. Le film employé est une Tri X, exposée à 320 Asa.
Les tirages sont dus à Toros Aladjajian, dont je ne saurais trop louer la compétence et la complicité.
La photographie est l'objet d'ambiguïté. Encensée dans les foires internationales d'art contemporain et sévèrement limitée par un pseudo-droit à l'image. Souvent accusée d'être esthétisante ou fétichiste. Et pourtant, elle nous donne l'illusion de soustraire au temps, à l'oubli, au néant, un sourire, un visage, un être humain. Elle se veut présence de l'absence. Barthes disait d'elle : "ça a été". C'est encore. Steve Maandag ne cesse d'avancer vers nous parmi les cadavres de Bergen-Belsen. L'inconnue, sur la rampe de Birkenau, si belle encore malgré le convoi, ne cesse de plonger ses yeux sombres dans les nôtres.
Hiéroglyphes, Foyer Culturel des Chiroux, Liège, 1992
Écritures, Galerie Debaigts, Paris, 1993
Transmutations, Galerie Debaigts, Paris, 1994
L'espace d'un songe, Galerie Alphée, Liège, 1996
Archéologie minière, Centre Wallon d'Art Contemporain, La Chataîgneraie, Flémalle, 1998
Résonances, Galerie Noir d'Ivoire, Paris, 1998
Un monde disparaît, Théâtre de la place, Liège, 1999
En marge, Galerie Alphée, Liège, 1999
Solitude, Espace Senghor, Bruxelles, 2001
Si je t'oublie, Centre Wallon d'Art Contemporain, Flémalle, 2001 ; Ancienne église Saint-André, Liège, 2002 ; Cercle Bernard Lazare, Paris, 2003 ; Maison du Livre, Bruxelles, 2003 ; Centre de la Mémoire, Oradour, 2003-2004 ; Maison d'Izieu, 2005-2006 ; Musée de la Résistance, Nantua, 2005-2006 ; Université de Liège, Liège, 2007 ; SEPR, Lyon 2013 ; Musée de l'Ain, 2015 ; Maison des Enfants d'Izieu 2016
De guerre en guerre, Les Chiroux, Liège, 2007 ; Motorium Sarolea, Herstal, 2009 ; Embarcadère du Savoir, Liège, 2014 ; Archives départementales de l’Ardèche, Privas, 2018
Evicted, Galerie Helenbeck, Paris, 2008 ; New-York, 2009
Les lieux de Modiano, Librairie Gallimard, 2014
Snapshots, War Heritage Institute, Musée Royal de l’Armée, Bruxelles, 2020-21
L'espace d'un songe, 1996
Un monde disparaît, Specto ac prendo, 1999
Si je t'oublie, Luce Wilquin, 2002
De guerre en guerre, Les Chiroux & Les territoires de la Mémoire, 2007
Le songe de Tibère, L'embarcadère du Savoir, 2010
Je suis Julie, L'embarcadère du Savoir, 2012
Les lieux de Modiano, Cahiers de l'Herne, 2012
Le destin de Clodius, L'embarcadère du Savoir, 2013
Clytemnestre, L'embarcadère du savoir, 2013
Électre, 2015, en vente sur Blurb
Une cité heureuse Images d'Herculanum et Pompéi, 2017, en vente sur Blurb
En marge Les lieux de Patrick Modiano, 2015, en vente sur Blurb
De jour en jour, 2016, en vente sur Blurb
City Life , 2016, en vente sur Blurb
Saint-Germain des Prés What else?, 2016, en vente sur Blurb
Threads, 2017, en vente sur Blurb
C’est à voir, 2018, en vente sur Blurb
Ma nuit n’est pas la vôtre, 2019, en vente sur Blurb
Back in New York, 2019, en vente sur Blurb
Les quatre saisons, 2019, en vente sur Blurb
Snapshots, 2020, WHI edition
Chess, 2020, en vente sur Blurb
Féerie pour un autre livre, Musée Royal de Mariemont, 2000
L'art du livre : reliures contemporaines, livres-objets et installations, Répertoires d'art et de design en Communauté Française de Belgique, 2006
L’auteur et photographe belge Luc Mary-Rabine a offert mardi 17 septembre 2019 200 impressions originales au War Heritage Institute (WHI). Ces photographies contemporaines mettent en lumière la déportation et les vestiges des deux guerres mondiales. Ce cadeau s’inscrit dans le cadre de l’exposition “Guerre. Occupation. Libération” qui se tient actuellement au Musée de l’Armée.
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De guerre en guerre, un film de Jonas Luyckx, 2007